L'Idee du technique coussins d'air:



Les premier realisations :

Source : Website Aérotrain et Naviplanes:


Conférence prononcée par Jean BERTIN le 23 janvier 1963
devant les groupes X-Automobile et X-Aviation


1. - Introduction

Avant de rappeler brièvement les principes généraux - d'ailleurs très simples - qui sont à la base de cette technique, il faut mettre au point un problème de terminologie. Le terme qu'il est recommandé d'utiliser maintenant en France pour désigner ce type de véhicules, est "Aéroglisseur" ; il a au moins le mérite de la concision. En Angleterre, le terme de "Hovercraft" choisi par son inventeur pour la première machine est, en quelque sorte, devenu le terme générique.

L'effet utilisé pour la sustentation des Aéroglisseurs est une manifestation des forces de liaison qui apparaissent sous certaines conditions entre deux corps placés en présence. Ainsi, supposons que dans la célèbre expérience de Magdebourg, les demi-sphères ne soient pas jointives et qu'une distance, petite par rapport à leur diamètre, sépare leurs bords. Si l'on dispose d'une pompe aspirant l'air à l'intérieur des hémisphères, le rejetant à l'extérieur et que sa puissance soit suffisante, on peut encore maintenir dans l'enceinte une certaine dépression (cette dépression représente la perte de charge liée au débit d'air aspiré à travers le petit espace annulaire). L'action de cette dépression est encore d'exercer sur les deux demi-sphères une force d'attraction dont l'intensité dépend à la fois des dimensions et évidemment de la grandeur de la dépression.

L'effet de sol correspond à cela, mais à l'inverse pourrait-on dire : l'air est insufflé dans la cavité, s'échappe par la fente et les forces sont alors de répulsion. Pour achever l'image, il faut encore dire que le rôle de l'une des deux demi-sphères est joué par le sol ; seule subsiste donc la réaction de répulsion sur l'autre qui représente alors le véhicule ; on appelle cette réaction la portance.

Il existe deux schémas principaux de fonctionnement. Le plus simple, appelé à "chambre pleine" (fig. 1), est celui qui correspond de la manière la plus directe au schéma de principe indiqué ci-dessous. Le dessous du véhicule forme une sorte de cloche, l'air y est insufflé et s'échappe à la périphérie entre le bord inférieur du véhicule et le sol.
L'autre schéma est celui de la "fente périphérique" (fig. 2). L'air est insufflé tout autour de la plateforme par une fente inclinée vers le centre. Une sorte de voile fluide dynamique est ainsi formé qui contribue à maintenir sous la plateforme le matelas d'air en surpression.


Véhicules sur Coussins d'Air - Figure 1 Véhicules sur Coussins d'Air - Figure 2

Le paramètre de similitude qui intervient, d'une manière simple au moins pour les machines circulaires, est la hauteur relative h / d, h étant la hauteur libre entre le bord de la plateforme et le sol et d le diamètre de celle-ci. D'autre part, un critère simple d'efficacité de la portance P obtenue consiste à comparer celle-ci à la poussée f qu'aurait produit en jet libre le même débit et avec la même pression génératrice que l'air utilisé. L'effet de sol, dans sa zone libre, se caractérise alors aisément par le coefficient d'amplification :


phi = P / f


qui peut aussi s'interpréter d'ailleurs comme une finesse.

L'allure des courbes du coefficient phi en fonction de la hauteur relative h / d est donnée à la fig. 3 pour une machine à fente périphérique. Disons pour simplifier que seules les très petites valeurs de h / d sont intéressantes ; ainsi, l'on voit que pour h / d = 0,001, phi atteint 30, mais que pour h / d = 0,05, phi n'est plus que de 7 à 8.



Véhicules sur Coussins d'Air - Figure 3

Cet examen rapide donne tout de suite une idée générale des propriétés des Aéroglisseurs purs :

Bien entendu, il ne s'agit là que des propriété du schéma simple de base et nous verrons que l'évolution technique qui a trouvé place depuis cinq ans a donné diverses solutions aux problèmes ainsi posés.


2. - Aperçu historique

Il semble que ce soit dans le domaine marin et en vue de diminuer les traînées des carènes immergées que les première réflexions sur l'effet de coussin d'air ainsi que les premiers essais de réalisation aient vu le jour.

Parmi les précurseurs inspirés on peut citer à partir de 1865 un Anglais ; Scott-Russel, un américain : Calberson, un Autrichien : Muller Von Thomamhul, et un français : Gambin. La proposition de ce dernier était particulièrement intéressante car elle avait trait à un type de machine marine qui se trouve fortement prisé maintenant (avec parois latérales immergées).

Sur le plan terrestre une tentative intéressante est celle de Louis Girard en 1880 avec le chemin de fer glissant sur "coussin d'eau". Un train expérimental a même fonctionné en 1889 sur l'esplanade des Invalides et a parcouru 1300 km environ pendant les démonstrations. Théric, de 1902 à 1915, a perfectionné la formule en imaginant des joints à labyrinthes et aussi en proposant d'utiliser l'air à la place de l'eau. Ensuite Worthington, aux U.S.A., introduisit dans la formule l'utilisation d'air à basse pression.

En ce qui concerne les véhicules libres, ce sont Alcoock (Australie), dès 1912, puis Wanner (U.S.A., 1928) et Kaario (Finlande, 1935) qui étudièrent et construisirent les premiers véhicules à "chambre pleine". Enfin l'idée de la fente périphérique est née presque simultanément dans trois pays ; c'est Lima, au Brésil, qui paraît – de peu toutefois – le premier (août 1955), viennent ensuite dans l'ordre Cockerell, en Angleterre, et la Société Bertin et Cie, en France. Cockerell a été en fait indiscutablement le premier réalisateur d'un véhicule de cette formule.


3. - Développement de la formule à l'étranger

En dehors de la Suisse, où Carl Wieland a réalisé une machine s'apparentant beaucoup aux idées de Gambin, c'est surtout en Angleterre, à partir de 1958, puis aux U.S.A., à partir de 1959, que les Aéroglisseurs ont fait l'objet d'études approfondies et de réalisations spectaculaires.

En Angleterre, comme on l'a vu, l'initiateur du développement a été Cockerell ; une aide substantielle de l'Etat par la voie de la N.R.D.C. (National Research and Developpment Corporation) lui a permis de fonder en 1958 la "Hovercraft Developpment Corporation Ld". Le premier véhicule, construit par Westland (Saunders Roe), le S.R.N.1., célèbre entre autre par sa traversée de la Manche en 1959, est un appareil d'essai construit sur le principe de la fente d'injection périphérique ; il utilise un moteur à piston d'aviation de 435 CV qui entraîne un ventilateur placé dans un canal central. Ses dimensions sont 9,10 m de long sur 7,30 m de large, son poids total atteint 3050 kg, sa hauteur de travail est de 20 à 30 cm au dessus de l'eau (ou du sol).

On peut dire que ce type de machine a orienté toute la technique anglaise qui a surtout recherché jusqu'ici ses débouchés dans le monde marin.

Le S.R.N.1. a servi à différents essais et a été muni de propulseurs de plus en plus puissants. Il a été suivi d'un nouveau modèle, le S.R.N.2., dont les photographies ont été largement reproduites par la presse. C'est un appareil de 30 tonnes muni de deux hélices aériennes pour sa propulsion et son contrôle ; muni de 4 moteurs Blackburn Nimbus (Turboméca) de 815 CV chacun, il peut emmener 5 tonnes de charge utile, soit 50 à 60 passagers, à une vitesse de 130 km/h, avec une distance franchissable de 350 km. Après sa mise au point il a été mis en service le 13 août 1962 entre Ryde et Southsea en Angleterre et paraît avoir remporté un gros succès d'estime.

A la suite de Saunders-Roe, plusieurs maisons anglaises ont étudié des machines. Plus de 14 projets sont actuellement en cours de réalisation chez Vickers-Armstrong, Britten-Norman et Folland. William Denny s'intéresse aussi aux aéroglisseurs mais son modèle est plus près de celui proposé par Gambin (parois latérales immergées – Sidewalls) que du Hovercraft de Cockerell.

Contrairement à ce qui s'est passé en Angleterre, les industriels et les services officiels américains ont été très éclectiques et se sont intéressés simultanément à tous les types de machines.

Ainsi la Société Bell avec ses différents modèles d' "Hydroskimmer" a-t-elle réalisé simultanément des machines à chambre pleine, à parois latérales immergées et à fente périphérique. Son plus récent modèle, le S.K.M.R. 1., construit pour l'U.S. Navy, est un véhicule de 18 tonnes muni de quatre turbines Solar "Saturne" de 1000 CV et doit atteindre 110 km/h. Il est spécialement conçu pour la lutte anti-sous-marine.

La Société National Research Associates a réalisé, au cours des trois dernières années, près de vingt Aéroglisseurs. Parmi ceux-ci, on peut citer le GEM-3 financé par l'U.S. Marine Corp. Il pèse 830 kg, est muni de deux turbines Solar "Titan" de 80 CV et peut atteindre 48 km/h. Il est du type à fente périphérique avec déflecteurs orientables pour assurer les contrôles.

En dehors des Universités qui ont construit divers petits modèles expérimentaux d'aéroglisseurs,ou de quelques isolés comme Bertelsen, de nombreuses grands Sociétés ont essayé de se lancer dans ce nouveau domaine. On peut citer Hugues Tool, Chrysler, Ford, Martin-Marietta, etc., qui, tous ont présenté et réalisé d'intéressants modèles de machines.

Dans une certaine mesure, on pourrait avoir l'impression d'un effort un peu désordonné. Il est sûr qu'en l'absence d'une politique officielle solide, les industriels ont cherché eux même leur voie. Le récent voyage qu'il m'a été donné de faire là-bas m'a permis de constater que cette activité paraissait entrer dans une phase nouvelle, celle des très grandes machines marines. En effet, il semble que sous la forme de porte-avions ou de ravitailleurs de sous-marins la mobilité et la vitesse des Aéroglisseurs soient très appréciées. Les services officiels américains étudient avec apparemment beaucoup de sérieux des engins de 1000 à 2000 tonnes qui pourraient atteindre des vitesses de 100 à 150 km/h. Avec les dimensions en question 150 à 300 mètres de long, il semble bien que les fortes mers ne soient plus un obstacle insurmontable.


4. - Développement en France

Dans notre pays, les travaux sur les Aéroglisseurs ont été apparemment moins nombreux qu'ailleurs.

Si des études théoriques très intéressantes ont été faites depuis plusieurs années à l'ONERA par M. Poisson-Quinton, la seule réalisation importante a été jusqu'ici le "TERRAPLANE" étudié et construit par notre Société.

L'origine de l'intérêt que nous avons porté aux plateformes à effet de sol remonte au tout début de 1957. Depuis 1955, la Société se trouvait engagée dans des études de trompes et de silencieux pour réacteur mettant en euvre des voiles gazeux annulaires minces, circulaires ou elliptiques (MM. Duthion, Le Nabour).

C'est en effectuant des mesures de rendement en quantité de mouvement sur les jets inducteurs que nos ingénieurs ont constaté que la poussée apparente d'un profil annulaire dont on avait obturé l'entré d'air induit pouvait prendre une valeur plusieurs fois supérieure à l'impulsion du jet engendré. Nous avons pensé que ce phénomène pouvait être utilisé pour réaliser des véhicules sans roues. En particulier, nous avons immédiatement lancé un appareil d'essai destiné à vérifier les lois de similitude que nous avions établies théoriquement sans aucune difficulté, l'analogie de ce phénomène avec la striction aérodynamique que nous avions étudiée et mise au point dans le passé à la S.N.E.C.M.A. étant assez complète. Il faut noter, en particulier, que toutes nos premières descriptions et réalisations comportaient le voile incliné vers l'intérieur à 45°, angle qui a été ensuite trouvé assez voisin de l'optimum.

Le hasard nous avait ainsi mis sur la voie des plateformes à injection périphérique. La notion d' "effet de sol" ainsi dégagée, nous nous sommes aperçus qu'on pouvait l'obtenir par d'autres moyens, en particulier grâce à celui appelé par la suite "chambre pleine" ou dans notre terminologie d'alors en "simple cloche". Nous avons immédiatement essayé alors de discerner celui de ces deux schémas qui devait être le plus intéressant.

Sur la base des résultats mis en évidence par les expériences il apparaissait certains avantages pour le type à fente périphérique. En particulier, la dimension du groupe compresseur destiné à fournir l'énergie de sustentation devait être plus réduite puisque le flux utilisé pouvait être à débit plus faible et à plus haute pression. Par contre, la construction en était, elle, plus compliquée que pour le modèle à "chambre pleine" puisqu'il fallait aménager, dans toute la structure, des canaux d'amenée d'air aux fentes d'injection.

Quoi qu'il en soit, nous avons très vite trouvé que ces deux types présentaient en commun quelques défauts assez graves :

C'est à la suite des réflexions que nous ont inspirées ces remarques, et aussi en tenant compte de l'orientation des travaux anglais qui n'ont été connus qu'en juin 1959, que nous sommes parvenus à la conception de la plateforme multicloches souples (ou multijupes) à alimentations différenciées qui est celle du Terraplane (fig. 4). Le principe en avait été exposé au Colloque d'Orsay sur les véhicules à effet de sol (28 février 1961).


Véhicules sur Coussins d'Air - Figure 4


Deux avantages majeurs sont à mettre à l'actif de cette formule :

a) Une très grande stabilité automatique. L'indépendance des alimentations de chaque cloche permet de bénéficier pour chacune de celles-ci de l'effet régulateur automatique du générateur d'air. Que celui-ci soit un ventilateur ou une trompe, la pression génératrice augmente lorsque le débit d'air appelé diminue. Ainsi lorsque la plateforme s'incline d'un côté, le couple de rappel voulu prend aussitôt naissance, le pouvoir sustentateur augmentant pour les cloches qui se rapprochent du sol et diminuant pour les autres, selon la courbe de la fig. 5 qui donne la relation entre la force de sustentation et la distance au sol dans le cas de la plateforme à 8 jupes décrites plus loin. D'autre part, ainsi que l'ont montré des expériences faites par M. Guienne, la stabilité pratique est conservée pour une plateforme de 0,8 m² chargée à 160 kg avec un centre de gravité placé à 1,1 fois le diamètre équivalent, au dessus du sol.


Véhicules sur Coussins d'Air - Figure 5


b) Un coût de sustentation très réduit

En effet, en raison même de la nature souple des jupes, il est possible de travailler à des hauteurs relatives h / d très faibles, de l'ordre de 1 % et même moins. Le coût de sustentation peut alors être amené à des valeurs aussi faibles que 15 à 20 CV à la tonne.

D'autres propriétés intéressantes sont également à mettre à l'actif de cette formule :

Le passage des obstacles est très facile pourvu que ceux-ci restent d'une dimension longitudinale modérée par rapport à la plateforme ; les jupes souples s'effacent successivement, la plateforme étant supportée par celles qui restent à distance normale du sol. L'indépendance des alimentations des cloches permet, en effet, à celles-ci de supporter momentanément une charge accrue dans des proportions pouvant aller jusqu'à deux ou trois fois la charge nominale. Ceci se fait de plus pour une variation de hauteur presque négligeable à l'échelle de la plateforme, en raison de la faible hauteur relative de travail des cloches. Cette aptitude au "report des charges" constitue un des principes essentiels de la machine.

Au point de vue de la propulsion horizontale, le problème de puissance est simplifié, car la traînée induite due à la captation de l'air de sustentation est ici très faible en raison des débits réduits utilisés (ceci est encore une conséquence du h / d réduit).

La propulsion à grande vitesse sera faite en pratique par un groupe propulseur indépendant actionnant soit des hélices, aériennes ou marines, soit des roues auxiliaires.

Cette formule a évidemment aussi quelques inconvénients que nous devons citer :

Le premier appareil réalisé, le BC 4, a été destiné avant tout à vérifier, à grande échelle, le principe de sustentation à coussins d'air indépendants, et à étudier le comportement des jupes souples lors du franchissement des obstacles.

Ses dimensions sont de 7,5 x 3,3 m ; il comporte huit jupes de tissu textile-néoprène. Ces jupes ont 1,55 de diamètre et 0,55 de hauteur. Le poids à vide est de 1 500 kg et en charge de 3 500 kg.

L'appareil moteur est un réacteur Turbomeca MARBORE II ; les gaz sont envoyés dans huit trompes spéciales qui alimentent chacune une jupe ; ces trompes multiplient par sept ou huit le débit du réacteur, augmentant la quantité de mouvement tout en réduisant la vitesse des gaz et en abaissent leur température à une valeur assez basse pour n'être pas gênante.

Sur l'appareil actuel, le contrôle et la propulsion sont obtenus par l'inclinaison de l'ensemble des jupes en avant, en arrière, ou sur les côtés, grâce à une suspension des jupes sur rotule. Ce mouvement des jupes est commandé, du poste de pilotage, par un manche à balai.

Dans ces conditions, c'est-à-dire sans moyen spécial de propulsion - celle-ci n'étant qu'un résidu de la sustentation - la vitesse atteinte a été de 30 km/h en charge. Mais les essais ont montré qu'avec une puissance très raisonnable des vitesses de 70 à 100 km/h pourraient être facilement obtenues. Une modification de la machine est d'ailleurs actuellement en cours dans ce sens.


Le Terraplane BC 4


Les essais de ce premier Terraplane ont permis de vérifier aussi complètement que possible la solidité des principes sur lesquels la formule était basée. Bien entendu, il ne faut pas considérer que le réacteur et les trompes en soient des éléments fondamentaux, c'est, pour la génération du flux de gaz à injecter dans les jupes, une formule possible. Nous l'avions choisie à l'époque en raison de sa simplicité, mais non de son économie ! Un Terraplane avec moteur à piston et ventilateurs est en cours de réalisation.

La caractéristique de la formule reste l'indépendance des alimen-tations de même qu'il y avait dans le BC 4 une trompe par jupe, il y a dans la nouvelle machine appelée BC 6, un ventilateur par jupe. Le but poursuivi avec ce nouvel Aéroglisseur est d'explorer les possi-bilités d'une machine économique tant en ce qui concerne sa construction que son exploitation ultérieure.

Rappelons en effet les qualités espérées : l'Aéroglisseur de ce type doit avoir besoin de peu de puissance en croisière, tout en pouvant, à l'occasion, circuler sur des terrains très primitifs ou sur l'eau. Cela est essentiellement dû au fait que le principe des jupes souples a permis de dissocier la hauteur de travail aérodynamique de celle des obstacles franchis. C'est la liaison surabondante des paramètres qui apparaissait très gênante dans les formules précédentes.

Enfin, il faut souligner que la longévité de ces Aéroglisseurs doit être très grande. Ils ne sont soumis à aucune surcharge ou vibration due à l'état du sol. La sustentation résulte d'un effet de surpression généralisé sur l'ensemble de leur surface inférieure et la nature physique même de l'air du coussin interdit aux vitesses considérées toute surpression locale ou transitoire. Il s'agit, en fait, d'une des plus efficaces surpressions pneumatiques qu'il soit possible d'imaginer.


5. - Position par rapport à la roue

D'une manière générale, en raison de cette qualité exceptionnelle des Aéroglisseurs, mais aussi de leur faiblesse intrinsèque concernant la direction et la propulsion, il apparaît de plus en plus que le véhicule idéal doit résulter d'un mariage de raison entre l'effet de sol et la roue.

Sur sol dur, en effet, la roue remplit parfaitement trois fonctions :

Sur sol inconsistant elle en devient incapable mais, en fait, c'est seulement la portance qui est surtout affectée. Si l'on réduit cette portance à une valeur compatible avec le sol, propulsion et direction redeviennent possibles dans une certaine mesure. Précisément l'effet de sol donne le paramètre de contrôle de la charge qui permet de délester les roues et de ne leur demander que ce dont elles sont capa-bles. Roues et effet de sol sont donc finalement complémentaires et d'une façon très générale.

Il ne faudrait pas croire, toutefois, qu'à partir du moment où on lui ajoute des roues l'Aéroglisseur redevient une automobile ou un camion, avec tous ses problèmes. Il n'en est rien. La charge sur les roues variera, sauf cas particuliers, entre 10 et 20 % du poids, ce qui, déjà, est peu. Mais surtout les roues n'interviendront pas à proprement - parler comme un élément de suspension. Elles seront appliquées au sol par une pression, réglable à volonté, mais constante quelle que soit leur position (flexibilité constante). La sustentation, ou pourrait-on mieux dire la suspension, restera assurée pour 80 ou 90 % par l'effet de sol. C'est dire que sa qualité restera extrême, que les vibrations et fatigues de structure dues aux surcharges transmises aux points d'attaches des roues des véhicules classiques n'existeront pas.

Ce qui précède s'applique aux "aéroglisseurs motorisés". On peut aussi penser que l'effet de sol appliqué à certains véhicules, conçus à roues initialement, permettra à ceux-ci d'élargir leurs aptitudes en terrains meubles (ou transports exceptionnels sur routes). Dans ce cas le pourcentage de sustentation aérodynamique pourrait peut-être descendre au-dessous de 50 % ; mais il faut voir aussi que celle-ci ne serait utilisée qu'occasionnellement.


6. - Aéroglisseur guidé

Dans le cas d'un véhicule à trajet déterminé il est tentant d'envisager d'utiliser pour le guidage transversal d'un aéroglisseur le même effet que pour la sustentation. Grâce à une voie à profil convenable, en caniveau ou mieux en croix, il est alors possible d'obtenir un moyen de transport particulièrement séduisant (Aérotrain fig. 6). En effet, la suppression des roues et de tout dispositif d'entraînement et de suspension permet tout à la fois d'obtenir un confort extrême et une aptitude aux plus grandes vitesses (400 km/h et plus).



Projet d'Aérotrain




Même en ce qui concerne la voie, le coût d'établissement peut être notablement abaissé par rapport aux autres moyens. La précision de surface requise est peu élevée (± 1 à 2 cm sur 5 mètres, et on peut tolérer des ondulations de 4 a 5 cm sur 15 mètres) ; mais surtout les efforts transmis à la voie sont statiques et uniformément répartis. A ce point de vue, on peut situer l'écart entre l'Aérotrain et le chemin de fer en indiquant que le rapport de leurs pressions de contact avec la voie est de près d'un million.

Aussi attrayant qu'il soit, il est intéressant de rappeler que le train glissant n'est pas nouveau. J'ai souligné plus haut les travaux fondamentaux de Girard et de Théric.

Le fait que rien d'utilisable ne soit sorti de ces efforts méritoires est dû, comme cela s'est produit dans de nombreux autres cas, à ce que d'une part ces tentatives venaient un peu tôt du point de vue de la technique mais aussi surtout du point de vue des besoins.

En ce qui concerne l'aspect technique nous sommes bien mieux placés maintenant. Le principe de l'effet de sol obtenu à partir d'air et non d'eau est beaucoup mieux connu. D'autre part nous disposons de moteurs légers et puissants, de compresseurs efficaces. Enfin la connaissance générale de l'aérodynamique obtenue grâce à l'aéronau-tique permet de donner une réponse valable à l'ensemble de problèmes posés par les vitesses élevées.

Mais c'est peut-être sur le plan du "besoin" que la différence entre l'avant-guerre 1914-18 et maintenant est le plus sensible. Les deux aspects en sont soit le confort, soit la vitesse.

L'effet de sol donne réellement une réponse satisfaisante à ces deux désirs de toute clientèle des moyens de transport moderne.


7. - Emplois possibles

Voyons tout d'abord le cas des aéroglisseurs libres. A mon point de vue il faut distinguer deux genres d'emplois qui paraissent fondamentaux.

Il s'agit du transport soit sur mer, à grand trafic et à relativement courte distance (voisine de 5 à 600 km) soit sur terre dans les régions pas ou peu équipées.

Voyons ce dernier cas. Dans certaines régions du globe (Afrique, Amérique du Sud) en cours de développement, il n'existe pratiquement pas de routes ni de chemins de fer. Leur coût d'établissement déjà élevé en général, peut l'être encore plus dans ces régions du fait des conditions climatiques spéciales (surabondance des pluies par exemple). On peut donc envisager de commencer les transports par des aéroglisseurs convenables utilisant des pistes sommairement aménagées que nous appellerons "pseudo-routes". Cet aménagement sommaire consistera le plus souvent en un nivelage approximatif par bulldozers de certains passages difficiles (rochers, forêts, sortie de rivières). Bien entendu il n'y aurait aucun compactage, ni construction de ponts, l'aéroglisseur passant sur l'eau. Malgré la faible consistance du sol des vitesses élevées pourraient être atteintes (60 à 80 km/h) avec une fatigue très faible du matériel ce qui ne serait pas le cas des véhicules à roues.

La mobilité et la souplesse d'un tel système de transport peut être capital pour les pays neufs. En effet, outre le coût d'investissement très réduit qu'il représente au départ, il doit permettre, le jour où des routes ou des voies ferrées définitives seraient ouvertes, de situer convenablement celles-ci par rapport aux véritables lignes de forces du trafic. En effet ces dernières auraient pu être reconnues et appré-ciées dans une période préalable suffisante, sans courir le risque de freiner l'économie par une absence de moyens de transport ou un coût excessif de ceux-ci.

Sur mer, de grands aéroglisseurs, dont la capacité pourra aller jusqu'à plusieurs milliers de tonnes, auront un intérêt considérable pour assurer un trafic intense de voitures et passagers entre deux continents, un continent ou une île ou entre deux îles, chacun n'étant pas trop éloigné de l'autre.

En effet, ces machines pouvant atteindre des vitesses très élevées (100 à 150 km/h) assureront à la fois des conditions de transport, attrayantes pour les clients et efficaces ; un même aéroglisseur pourra assurer à lui seul plusieurs voyages dans la journée. Même en ce qui concerne la tenue par mer agitée les perspectives sont bonnes maintenant, la technique des jupes souples que nous avons initiée pour absorber les obstacles du sol s'avérant tout à fait intéressante également vis-à-vis des obstacles liquides que sont les vagues. L'évolution anglaise récente, qui adopte maintenant ces jupes sur des véhicules étudiés et construits suivant la technique de la fente périphérique en est une bonne preuve. De notre côté nous procédons actuellement à l'étude d'un appareil qui serait le modèle d'un "Terraplane" (le fort tonnage pouvant assurer, par exemple, entre le continent et la Corse un véritable "pont" maritime pour voitures et touristes, la traversée prenant alors moins de deux heures et les difficultés d'embarquement et de débarquement étant réduites à l'extrême.

Il y a bien d'autres emplois possibles pour les aéroglisseurs, que ce soit sous forme pure ou dans des cas ou l'effet de sol est utilisé en combinaison avec d'autres moyens.

Citons par exemple :


Mais sans nier leur intérêt, ils n'ont pas la généralité et le même degré de besoin que les deux autres cas.

La technique des aéroglisseurs guidés peut, de son côté, permettre de donner une réponse particulièrement intéressante à deux problèmes actuels du transport :


Dans ces deux cas les avantages par rapport aux autres moyens sont les suivants :


Cette technique peut aussi permettre de réaliser un "Métro", mais alors l'intérêt est surtout placé sur l'aspect confort et absence de vibration.

Par rapport aux autres propositions de cette nature (anglaises ou américaines) l'Aérotrain que nous avons étudié présente l'avantage d'utiliser les principes de sustentation à haute stabilité dont la valeur a été prouvée par l'expérience du "Terraplane" ainsi d'ailleurs que des profils de voie particulièrement simples et économiques.


8. - Conclusion

D'une manière générale il convient tout d'abord de souligner que les Aéroglisseurs ne sont pas des véhicules qui puissent, du moins dans l'état actuel des choses, connaître une diffusion de masse comparable à l'automobile. Il n'est pas question, par exemple, d'en voir - même un petit nombre - sur nos routes, leur faiblesse en matière de pouvoir d'évolution constituant en lui-même un danger pour tous les usagers. Toutefois, à condition de s'en tenir à un certain nombre d'emplois spécifiques du genre de ceux indiqués ci-dessus, ils peuvent et doivent rendre de grands services. Une de leurs très grands qualités est de pouvoir concilier dans presque tous les cas vitesse et confort absolu, ce qui est un progrès certain.

De même que techniquement, ils empruntent beaucoup aux autres moyens connus, sans en être un simple dérivé, ils ne les concurrencent pas à proprement parler dans les domaines ou ils sont les mieux adaptés.

Ainsi les aéroglisseurs libres ne peuvent se substituer à l'automobile sur route, mais ils la prolongent là où il n'y en a pas. La position des aéroglisseurs guidés, comme l'Aérotrain, par rapport à l'aviation ou aux chemins de fer est en gros la même.

Ainsi il n'est pas question de pouvoir abaisser le prix de la tonne kilométrique de marchandises au même niveau que le chemin de fer. Mais, en ce qui concerne le transport de voyageurs, l'Aérotrain peut, sur certains itinéraires, apporter un accroissement de vitesse et de confort absolument fondamental.

A ce point de mon exposé, je ne voudrais pas être mal compris. Si aujourd'hui on posait le problème technique (et non financier) de réaliser couramment des vitesses de 300 à 400 km/h sur roues, les techniciens des chemins de fer y parviendraient certainement ; chacun a en mémoire le record du monde de vitesse de 333 km/h obtenu par 2 locomotives électriques françaises. Il est intéressant pour situer ce problème de rappeler les étonnantes performances de vitesses réalisées autrefois.

Ainsi, de 1850 à 1875, entre Londres et Manchester, les trains réali-saient des vitesses commerciales de 90 km/h environ, Il est même enregistré, entre autres, l'exploit de la locomotive "Iron Duke" qui accomplit en 1 h 12' le tronçon Londres-Swindon (120 km), soit à la moyenne de 102 km/h ! Il faut, à cette occasion aussi, rappeler le voyage extraordinaire accompli en 1855 par Napoléon III de Marseille à Paris, soit 890 km, effectué en 9 heures très exactement, c'est-à-dire pratiquement à 100 km/h de moyenne. Il faut dire que le train remorqué par une des célèbres "Crampton" n'avait que trois wagons, mais enfin c'était en 1855 et arrêts compris.

On pourrait être tenté de penser, en observant ceci, que les chemins de fer ont fait peu de progrès. Ce n'est évidemment pas exact ; tout d'abord, il y a une différence énorme entre une performance excep-tionnelle et sa généralisation commerciale avec toute la sécurité que cela comporte. Mais surtout les chemins de fer ont payé leur trop grand succès ; il a fallu standardiser très tôt largeur des voies, gabarits et tracés.

Dans des limites aussi rigides, fixées il y a cent ans, la marge d'évolution était très faible. Pour aller plus vite maintenant il faudrait des voies plus larges et des profils moins sévères. Il est bon de rappeler ici que justement le chemin de fer Londres-Manchester était à l'époque à voie large (2,44 m). Or l'infrastructure existe et son coût de modification ou de reconstruction serait prohibitif d'autant plus que cette modification serait inutile du point de vue trafic des marchandises. De plus le trafic des voyageurs pour lequel seul l'accroissement de vitesse serait souhaitable est, lui, en décroissance quasi constante.

Une solution intéressante apparaît donc de laisser dans l'état le réseau ferré, particulièrement bien adapté au trafic de marchandises, et de créer, en parallèle, quelques lignes d'Aéroglisseurs guidés pour voyageurs. Ainsi sur Paris-Rouen, effectué en moins d'une demi-heure, un seuil Aérotrain d'une capacité de 150 passagers pourrait assurer le transport dans les deux sens de 3 000 personnes par jour et ce avec un départ de chaque ville toutes les heures et demies par exemple.

Enfin, ce nouveau moyen n'est pas non plus un véritable concurrent de l'aviation. Sur le plan pratique tout d'abord il donne une réponse satisfaisante au transport rapide à moyenne distance (au -dessous de 4 à 500 km), ce pourquoi ne paraissent pas très bien placés tant les appareils à atterrissage et décollage verticaux ou courts, du fait de leur coût élevé en puissance installée et prix de construction, que les appareils classiques du fait de la dimension des pistes nécessaires et de l'éloignement du centre des villes que cela impose.

Sur le plan technique ensuite, on peut dire aussi qu'il constitue un prolongeaIent de l'aéronautique à laquelle il emprunte beaucoup : technique constructive, aérodynamique générale, moteurs et propulseurs, etc... Une image simplifiée consisterait à dire qu'il s'agit en fait d'un avion "prisonnier", volant sans ailes et au ras du sol.

Certains parmi ceux dont je suis, pour qui l'aviation a représenté beaucoup, tant sur le plan affectif que professionnel, regretteront peut-être cet aspect inattendu de la question. Mais il est alors permis de se demander s'il y a vraiment une différence fondamentale entre le fait d'être prisonnier d'une gouttière en ciment ou d'un canal hertzien - ce à quoi sont contraints les avions dans le trafic moderne - si les buts fondamentaux de tout transport de passagers sont atteints d'une manière difficilement égalable, c'est-à-dire sécurité, confort et vitesse.


Jean Bertin




Qui était Jean Bertin? Une Biographie:


Une des sources de ce texte: le site Aérotrain et Naviplanes:


Jean BERTIN Jean Bertin est né le 5 septembre 1917 à Druyes-les-Belles-Fontaines (Yonne). Après des études à Polytechnique (Promotion 1938) et à l'Ecole Nationale Supérieur de l'Aéronautique, il entre en 1944 à la SNECMA dont il devient le Directeur Technique adjoint chargé des Etudes Spéciales sur les moteurs et la propulsion.

On lui doit à cette époque bon nombre d'inventions remarquables, comme par exemple celle de l'inverseur de poussée qui équipe aujourd'hui la presque totalité des moteurs d'avions à réaction.

Très impressionné par le dynamisme et la créativité des industriels américains qu'il a comme modèles, il prend congé du Corps des Ingénieurs de l'Air et quitte la SNECMA le 1er octobre 1955 pour fonder sa propre société : BERTIN & CIE.

La société BERTIN & CIE nait officiellement le 27 février 1956. C'est Gabriel Voisin, pionnier de l'aviation et grand ami de Jean Bertin qui héberge alors la société, rue des Pâtures à Paris.

Les premières réalisations de BERTIN & CIE portent sur l'étude de silencieux d'avions, et c'est en réalisant ce type d'étude qu'un ingénieur de la société "redécouvre" par hasard en 1957 le phénomène d'effet de sol, ou "coussin d'air".

Cette découverte, associée à celle des jupes souples ouvre la perspective à de nouveaux moyens de transport, puisque le coussin d'air, en permettant de déplacer une charge sans frottement, autorise à s'affranchir de... la roue ! Dès lors, les recherches en matière de transport sur coussin d'air sont menées dans trois directions, avec les Terraplanes (aéroglisseurs terrestres), les Naviplanes (aéroglisseurs marins), et surtout l'A�rotrain, dont le premier prototype circule à la fin de l'année 1965.

Jean Bertin n'a alors de cesse de se battre pour qu'une ligne commerciale d'Aérotrain soit construite en France. Il en obtient des garanties formelles au début de 1974, mais l'Etat se retire finalement du projet le 17 juillet suivant.

Jean Bertin ne résiste pas au choc de ce désistement. Il meurt à Neuilly le 21 décembre 1975.